La télémédecine, une course de fond

Bien que la télémédecine apporte de nombreuses promesses, sa forme « autonome » ne répond pas adéquatement aux besoins de ce public et des équipes soignantes, qui nécessitent un soutien important.

D’ici 2050, on estime que 4 millions de seniors seront en perte d’autonomie. Parmi ceux vivant en établissements, 55% sont classés en groupe iso-ressources (GIR) 1 ou 2, indiquant une très grande dépendance. L’accès à des soins spécialisés reste un défi majeur.

Investir sur l’humain

En 2022, cette profession prodiguant des soins infirmiers fait face à une forte tension en France. En cause les conditions de travail et le manque de reconnaissance qui se dégradent. En effet, ils sont 95,6% à déclarer que leur travail n’est pas reconnu ni valorisé. Malgré les différentes mesures de revalorisation mises en place par le gouvernement, comme le Ségur de la santé et les revalorisations des heures de nuit et de week-end, la rémunération est jugée insuffisante par 83,5% des professionnels.

L’organisation du travail est un autre problème important, notamment dans les établissements privés ou publics : des horaires inadaptés, un manque de personnel y compris de personnel qualifié, face à une charge de travail importante et des tâches parfois mal définies. C’est pour cela que les infirmiers et infirmières ne constituent que 11% du personnel dans les EHPAD, un pourcentage bien inférieur à celui des aides-soignantes, aides médico-psychologiques, assistants de soins en gérontologie ou agents de service hospitalier.

Équipe d’infirmières TokTokDoc – [crédit photo – TokTokDoc]

Avec le recul, l’accélération de la télémédecine en 2020 a montré des avantages clairs pour l’accès aux soins, mais aussi des limites, surtout dans les structures accueillant des populations vulnérables. Les résidents préfèrent un accompagnement humain, ce qui réduit l’isolement et évite de surcharger le personnel en place.

En résumé, malgré les tentatives de revalorisation salariale par le gouvernement, la rémunération reste un point de mécontentement majeur pour les personnels des EHPAD. Les problèmes organisationnels, tels que les horaires inadaptés, le manque de personnel qualifié et les tâches mal définies, aggravent la situation. Pour améliorer les conditions de travail et, par extension, la qualité des soins, il est impératif de repenser l’organisation du travail et d’investir davantage dans la formation et le recrutement de personnel compétent.

Déployer des innovations médicales

La télésanté est une véritable innovation de rupture, bouleversant les dynamiques traditionnelles entre professionnels de santé et patients. Elle transforme non seulement les interactions, mais aussi la coordination et la collaboration au sein des réseaux et des équipes soignantes. Toutefois, pour que cette innovation soit durable et bénéfique à long terme, il est crucial de penser à la vie après l’innovation elle-même. Cela signifie qu’il ne suffit pas de se concentrer uniquement sur l’introduction de la technologie et des services de télésoin, il est également essentiel d’accompagner, de suivre et d’observer l’usage et l’adaptation des structures de santé.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) retient quatre types de champs d’innovation :

  • Innover sur les produits et services en santé : Cela implique l’introduction de produits ou de services innovants, comme la télémédecine ou des logiciels dédiés à la télémédecine. L’objectif de ces avancées est d’accroître l’accès aux soins et de proposer des solutions de santé plus performantes et adaptées aux besoins des patients.
  • Développer le processus : Le but est de mettre en place de nouvelles pratiques de production ou de distribution, ou de les améliorer de façon importante. En ce qui concerne le domaine de la santé, cela peut englober l’amélioration des flux de médicaments, l’amélioration des méthodes de soins ou l’intégration de nouvelles technologies afin de mieux gérer les dossiers médicaux des patients.
  • Optimiser les stratégies marketing : Cela nécessite l’application de nouvelles stratégies de marketing, qui peuvent impliquer des changements importants dans la conception des produits, leur conditionnement, leur promotion ou leur prix. Par exemple, dans le domaine de la santé, cela pourrait impliquer de nouvelles méthodes de promotion des services de télémédecine ou d’information plus efficace des patients sur les différentes possibilités de soins.
  • Mettre en place une innovation organisationnelle : Il concerne l’introduction de nouvelles approches organisationnelles dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations avec l’extérieur. Il peut s’agir de modifications de l’organisation des équipes de soins, d’amélioration de la communication entre les différents services de santé, ou de nouvelles collaborations avec d’autres organisations de soins ou des entreprises technologiques.

Quant à la santé, si l’innovation de service est déjà en place, elle n’a pas encore été accompagnée de l’adaptation organisationnelle requise. L’adaptation au sein de l’organisation implique l’introduction de nouvelles approches qui altèrent les pratiques habituelles, réorganisent les espaces de travail ou modifient les relations externes avec les partenaires ou les utilisateurs.

Prenons l’exemple de la télémédecine, qui ne se limite pas à l’utilisation de la technologie ; il est également nécessaire de réorganiser le travail des professionnels de santé, de proposer des formations spécifiques et de mettre en place des processus qui intègrent cette nouvelle méthode de soin dans la vie quotidienne des établissements de santé. Si cette adaptation organisationnelle n’est pas réalisée, les innovations ne pourront pas pleinement s’exprimer et ne pourront pas apporter une amélioration significative à la qualité des soins ou à l’efficacité des services de santé.

Le cadre de financement des établissements, source d’un déséquilibre permanent

Dans le secteur médico-social, les mécanismes de financement sont non seulement multiples, mais aussi d’une grande complexité. Ils impliquent plusieurs acteurs, notamment l’État, l’Assurance Maladie, les conseils départementaux, et les usagers eux-mêmes. Cette diversité de sources de financement engendre une gestion financière particulièrement lourde et fragmentée.

Chaque année, les Agences Régionales de Santé (ARS) reçoivent des budgets octroyés par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA). Ces budgets sont alloués sur la base d’un objectif global de dépenses, lequel est ensuite réparti selon divers critères tels que le nombre de places à créer, les besoins spécifiques des personnes accueillies, et les objectifs nationaux de santé publique. Cette méthode de répartition vise à répondre de manière équitable aux besoins diversifiés des établissements, mais elle ajoute une couche de complexité administrative.

À cette complexité s’ajoute un fonctionnement ponctuel par appels à projets. Depuis 2010, ces appels à projets sont obligatoires pour toute création, transformation ou extension d’un établissement ou d’un service social ou médico-social. Bien que ces appels à projets soient essentiels pour garantir la transparence et l’égalité d’accès aux fonds, ils consomment énormément de temps et d’énergie pour les gestionnaires des établissements. Le processus est souvent long et demande une préparation rigoureuse de dossiers, une gestion administrative lourde et une anticipation des besoins futurs des établissements.

Dispositif de téléconsultation avec un médecin spécialiste et un objet connecté – [crédit photo – Adobe Stock]

De plus, le système de financement est marqué par de fortes inégalités territoriales. Un exemple particulièrement révélateur est la « tarification dépendance », dont la valeur du « point GIR » (Groupe Iso-Ressources) est déterminée par le président du conseil départemental. Cette tarification vise à évaluer le niveau de dépendance des résidents et à ajuster les financements en conséquence. Cependant, la valeur de ce point GIR peut varier de manière significative d’une région à l’autre, entraînant des disparités importantes dans les moyens financiers disponibles. Par exemple, la différence entre les Alpes-Maritimes et la Corse-du-Sud est frappante, avec des variations pouvant aller du simple au double. Ces inégalités territoriales créent un déséquilibre dans la qualité des services offerts aux personnes âgées selon leur lieu de résidence.

Cette situation illustre la difficulté d’assurer une équité de traitement à l’échelle nationale, malgré les efforts pour standardiser les critères de financement. Les établissements situés dans les régions les moins favorisées se retrouvent souvent avec des ressources insuffisantes pour répondre aux besoins croissants de leurs résidents, ce qui peut impacter la qualité des soins et des services fournis.

En conclusion, le cadre de financement des établissements médico-sociaux est une source de déséquilibre permanent. La complexité des mécanismes financiers, la nécessité de répondre à des appels à projets chronophages et les inégalités territoriales contribuent à un système où l’équité et l’efficacité sont difficiles à atteindre. Pour surmonter ces défis, une révision des politiques de financement, visant à simplifier les processus administratifs et à harmoniser les ressources disponibles à l’échelle nationale, pourrait être une solution à envisager. Cela permettrait d’assurer une répartition plus juste et plus efficace des fonds, en garantissant que chaque établissement puisse offrir des soins de qualité, quel que soit son emplacement géographique.

Des outils et des hommes : une réorientation nécessaire

Le gouvernement, à travers le Ségur de la santé, le plan France Relance et le Programme d’investissements d’avenir, a montré son engagement à transformer notre système de santé en profondeur, avec près de 19 milliards d’euros promis sur 10 ans, dont 1,4 milliard pour le développement du numérique en santé et 600 millions pour le numérique destiné au grand âge et au handicap. Ces investissements, bien que considérables, risquent de se concentrer principalement sur l’amorçage et le prototypage. Sans un financement durable pour leur fonctionnement, ces innovations risquent de ne pas être pleinement intégrées ni pérennes.

Dans un contexte de déficits sociaux croissants et de dette publique, l’efficience est plus que jamais nécessaire. Un rapport de l’Agence française de la santé numérique en 2019 sur les plateformes régionales de télémédecine montrait des coûts de revient variant de 8 à 6700€ par acte, et de 500 à 6000€ par utilisateur, en raison d’un usage insuffisant.

Pour sécuriser les établissements et donner de la visibilité aux acteurs innovants, une réorientation de la vision du financement s’impose, de l’outil vers l’humain. Cela implique une plus grande stabilité, simplicité et cohérence des financements, des engagements à moyen ou long terme, et une prise en compte globale de l’organisation et de la chaîne de soins. Ainsi, nous pourrons cultiver l’innovation de manière durable, plutôt que d’être simplement submergés par la technologie.

Les financements actuels, souvent ponctuels et fragmentés, rendent difficile la planification à long terme pour les établissements de santé. Des engagements financiers stables permettraient aux établissements de mieux anticiper leurs besoins et d’investir de manière plus stratégique dans les ressources humaines et matérielles nécessaires.

Pour garantir des innovations durables dans le secteur de la santé, il est crucial d’engager des financements à moyen et long terme. Cela inclut les investissements initiaux, la maintenance, la formation continue du personnel et l’adaptation aux nouvelles technologies. L’innovation ne doit pas se limiter aux nouvelles technologies, mais aussi repenser l’organisation des soins et la formation des équipes pour une intégration harmonieuse dans les pratiques quotidiennes. Un environnement favorable, soutenu par des pratiques organisationnelles solides et une collaboration entre tous les acteurs, est essentiel pour maximiser l’impact des investissements et assurer des améliorations durables.

Infographie de téléconsultation – [crédit photo – Adobe Stock]

En conclusion, une réorientation des financements de la technologie vers l’humain est indispensable pour assurer une utilisation efficace et durable des innovations dans le système de santé. En mettant l’accent sur la stabilité, la simplicité, la cohérence et une approche globale de l’organisation des soins, nous pourrons non seulement intégrer les nouvelles technologies de manière efficace, mais aussi améliorer la qualité des soins pour tous.

Découvrez plus en détails comment la télémédecine est pratiquée au sein des Ehpad.

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