Journal de bord d’une infirmière
par Bérénice
La Covid en Ehpad
C’est synonyme de rencontre avec une équipe stressée et moins souriante que d’habitude.
Une charge de travail plus forte, un moral moins bon, des absences qui se multiplient.
Le personnel qui défile dans la salle de soins pour des tests Covid rapides. Tout le monde a l’impression d’avoir au moins un symptôme suspect…
Le médecin coordinateur est épuisé. Cela fait des jours qu’il a perdu sa voix. Il enchaîne les tests pour vérifier qu’il ne va pas à son tour être le vecteur de ce virus meurtrier auprès de ses patients.
Le médecin reste au chevet des résidents déjà porteurs du virus, et ne va plus voir ceux dont le test est négatif. Il fait confiance aux infirmières pour les veiller et l’alerter en cas de décompensation d’une de leurs nombreuses pathologies. Durant les téléconsultations, il déléguera le diagnostic et les changements de traitements à ses confrères spécialistes.
Le moral des résidents n’est pas au mieux.
Les décompensations de troubles cognitifs sont nombreuses, les syndromes dépressifs se multiplient, les psychiatres sont plus que jamais indispensables.
Les téléconsultations semblent être un souffle d’air frais dans une situation qui devient irrespirable.
L’équipe soignante continue bravement à prendre soin de ces résidents qu’ils connaissent si bien et chouchoutent autant qu’ils le peuvent. Il faut composer avec la fatigue, les maladies, les remplacements, le planning qui d’un coup doit être complété. Mais peu importe, ils tiennent l’EHPAD debout. Ils changent d’étage, montrent les bons gestes à ceux qui n’en ont pas encore l’habitude. Ils se serrent les coudes tout en serrant les dents sous leur masque.
Un an de Covid en Ehpad.
Aujourd’hui, cela fait pratiquement un an que nous travaillons avec la peur de ce virus. La peur d’être malade, de garder des séquelles plus ou moins effrayantes. Mais surtout la peur de contaminer les personnes fragiles que nous prenons en soins chaque jour.
Un an que nous oublions petit à petit à quoi ressemblent les personnes que nous côtoyons quotidiennement, cachées sous leur masque.
Un an que nous accentuons les rides sous nos yeux à force de sourire plus fort pour que cela soit visible sous l’épaisseur protectrice. A force de s’inquiéter de tout, à force de fatigue d’être encore et toujours sur le front pour aider nos patients.
A la lutte contre la contamination s’ajoute l’organisation complexe d’une campagne de vaccination massive, avec très peu de moyens humains supplémentaires. Là encore les soignants font front. Ils proposent de revenir au travail durant leur week-end de repos. Ils ne comptent pas leurs heures pour s’assurer que chacun puisse être protégé au mieux.
Le geste vaccinal n’est rien comparé à la surcharge de tâches administratives qui l’accompagne !
Je suis infirmière de télémédecine.
J’ai appris à faire ma place dans ces équipes. Appris à connaître ces soignants, à travailler avec eux, à admirer leur courage et leur détermination. J’ai conscience d’avoir une place privilégiée durant cette crise.
J’essaie autant que possible de faire ma part pour alléger un peu leur quotidien. Mais aussi de soulager certains maux de leurs résidents, de nos patients âgés.